Une question?
Interview de France Panificaçao
A la découverte du marché brésilien de la panificaçao!
Le marché Brésilien de la panification est en pleine effervescence et attire de plus en plus de boulangers français souhaitant vivre une expérience internationale. Nous sommes parti à la rencontre d'Axel Bouley, co-directeur de France Panificaçao qui s'impose petit à petit comme un des acteurs les plus sérieux du marché.
A la fois importateurs / distributeurs de matières premières (principalement de farine française), France Panificaçao propose aussi des formations pour aider les artisans locaux à améliorer leur qualité dans un pays où la formation en boulangerie est assez sommaire.
Interview France Panificaçao du 23/07/18
iBoulange : Qui êtes vous ?
Axel Bouley : Notre société est composée de 3 associés, Jacques fils de boulanger qui a suivit l’EBP et commencé son compagnonnage en boulangerie. Il est arrivé en 2013 au Brésil.
Moi-même, je suis arrivé en 2015 et j’ai une formation d’ingénieur agro alimentaire spécialisé en céréale. Le troisième actionnaire est le moulin Foricher qui possède 3 moulins en France : moulin des Gaults, moulin Dormoy et le moulin d’Arnouville.
iBoulange : Quelle est l’activité de France Panificaçao? Etes vous comme un moulin ou importateur ?
Axel Bouley : Notre activité est l’importation et la vente de farine. Nous avons un partenariat assez fort avec moulin Foricher mais nous ne nous considérons pas comme meunier. Le moulin est fournisseur et peut donner son point de vue du fait de sa position d’actionnaire mais notre société est indépendante.
iBoulange: Pourquoi êtes vous venus au Brésil ?
Axel Bouley : C’est grâce à nos relations personnelles. Jacques et moi étions en ménage avec des brésiliennes, nous avions une belle connaissance du pays. D’autant plus pour moi que mon père habite au brésil depuis plus de 18 ans. C’est donc naturellement que nous sommes arrivés ici.
iBoulange : Et pourquoi à Sao Paulo ?
Axel Bouley : Ah ça c’est un choix forcé (rire). Cette ville est la plateforme économique et le poumon économique du pays. Environ 35% du PIB brésilien se passe ici. Santos est le plus gros port d’Amérique Latine et la position centrale fait qu’il faut absolument s’installer dans cette ville quand on souhaite faire une activité comme la notre.
iBoulange : Que représente le marché de la panification au Brésil ?
Axel Bouley : Il y a environ 60.000 boulangeries sur tout le pays pour à peu près 200 millions d’habitants. Les premières boulangeries on été montée par les portugais et les italiens, c’est donc un concept différent que nous avons des boulangeries : elles font souvent restaurant ou supérette. La tendance est de se recentrer sur le pain.
iBoulange : Justement quelles sont les évolutions du marché d’après vous ?
Axel Bouley : Il y a deux tendances : le surgelé et la production artisanale telle que nous la connaissons en France. Il y a ici une vraie dynamique autour du fait de l’intolérance au gluten (à tord ou à raison) et de tout ce qui est sain. Ils appellent ici le « pain français » un pain avec beaucoup d’additifs qui est le pain le plus vendu. Aujourd’hui il y a un vrai désir de trouver une alternative à ce type de pain.
iBoulange : Mais ce « pain français » ne vous créé pas de préjudice ?
Axel Bouley : Non, non c’est un terme local pour dire du pain. Mais nos clients font la part des choses entre nos produits et ce type de pain c’est très clair.
iBoulange: Est-ce que vous vous considérez comme un moteur pour l’amélioration de la qualité du pain localement ?
Axel Bouley : Oui du fait de notre structure. Nous sommes les seuls à faire de la farine française haut de gamme. Aujourd’hui pour faire du bon pain il faut trois variables : un bon boulanger, de la bonne matière première et de bons équipements. Nous importons de la farine et pour remédier au faible niveau des boulangers nous avons créé notre école. Nous sommes force de proposition sur 2 variables sur 3 et c’est déjà pas mal.
iBoulange : Justement pourquoi avoir créé l’école ?
Axel Bouley : On a reproduit le modèle Foricher qui est « pas de farine sans service ». Au début seul Jacques faisait du consulting et il était très itinérant. Très rapidement nous en sommes arrivés à la conclusion que le plus simple était d’avoir notre propre école pour sédentariser l’activité. A court terme le coût est plus important mais sur le long terme c’est la meilleure option.
Aujourd’hui la seule alternative qui reprend les principes de la panification artisanale est l’école Le Levain de Puratos. Mais elle n’est pas sur le même standard de produit.
D’ailleurs l’école est une superbe vitrine pour nos produits.
iBoulange: N’y a-t-il pas d’alternative publique ?
Axel Bouley : L’école publique type CFA est très faible car personne ne forme les professeurs. Le niveau n’est vraiment pas génial.
iBoulange : Etes vous reconnus localement ?
Axel Bouley : On commence à l’être mais c’est difficile de mesurer cela. Les retours que nous avons du marché sont très positifs.
iBoulange : Quelles sont les lacunes principales des brésiliens en panification?
Axel Bouley : Un manque de savoir faire. Au niveau meunier, le Brésil est le deuxième importateur mondial de blé principalement importé d’Argentine. Il n’y a quasiment aucun savoir faire concernant le blé et la farine. Il faut aussi ajouter les contraintes climatiques car le blé ne pousse que dans les 3 états du sud du fait des températures. A titre de comparaison le Brésil produit 8 millions de tonnes de blé contre 90 millions de tonnes de maïs. Il importe 5 millions de tonnes de blé.
iBoulange : Quels sont les atouts du Brésil?
Axel Bouley : Il y a une vraie demande. Le brésilien voyage beaucoup et il est très centré sur le bien être, veut manger des produits sains. C’est un pays de tradition de bouffe, les gens sont très friands de produit culinaire et ça marche. Le salut vient de la demande car les prix pratiqués ici sont des prix à faire pâlir les boulangeries françaises !
iBoulange : Justement quels conseils donneriez-vous à des boulangers français voulant s’implanter au Brésil ?
Axel Bouley : Vendre du pain est facile. Mais la difficulté est l’accès à ce marché. Il faut un bon avocat, un bon comptable, il faut être en adéquation avec les exigences sanitaires…
Le problème sera tout ce qui est périphérique à la vie du boulanger. Attention aussi à la main d’œuvre locale qui n’est pas bien formée comme je l’ai dis tout à l’heure. Je dirais qu’il faut que le boulanger souhaitant venir ici doit parler portugais et avoir du cash. Les délais sont très longs à cause de l’excès d’administration, il faut provisionner de l’argent pour pouvoir tenir, c’est ça la plus grosse difficulté.
iBoulange : Pour finir, est-ce qu’on doit se donner rendez vous dans quelques temps pour parler d’un France Panificaçao Amérique du Sud?
Axel Bouley : J’aimerais beaucoup ! Mais il y a tellement de chose à faire ici avant de penser à une expansion. Notre problématique est avant tout humaine, il faut avoir la bonne équipe, mettre tout en place avant de voir plus loin et envisager certains marchés comme la Colombie, le Chili ou le Pérou pourquoi pas. Mais ce n’est pas pour tout de suite !
Merci Axel et bonne continuation à vous
Emma Vacher
Dirigeante fondatrice de iboulange.fr